Le
12 janvier 2010, un très violent tremblement de terre tue 230 000
personnes en Haïti. Sous une lourde dalle de béton, on retrouve un
couple qui se tient la main. Une triste fin pour Mireille Neptune et
Georges Anglade, longtemps exilés au Québec mais attachés jusqu’à la fin
à leur terre natale.
Les Anglade ne sont qu’une centaine au Québec. Ils font cependant
partie de l’une des plus importantes communautés immigrantes. Entre 1974
et 1989, les Haïtiens forment la plus importante cohorte de nouveaux
arrivants. La grande majorité s’établit à Montréal où sont créées des
institutions d’entraide. La première vague d’immigration haïtienne
arrive au tournant des années 1970. Elle est surtout formée d’écrivains
et d’intellectuels comme Georges Anglade.
PIONNIER DE L’UQAM
Né
en 1944 à Port-au-Prince, celui-ci appartient à la 6e génération
d’Haïtiens nés après l’indépendance proclamée en 1804. Colonie française
habitée par des esclaves, la république d’Haïti paie chèrement sa
liberté. En 1825, la France reconnaîtra son indépendance à la condition
qu’elle rembourse une lourde indemnité. Haïti finit de rembourser sa «
dette » un siècle plus tard… La république n’est pas au bout de ses
peines. De 1915 à 1934, les Américains occupent le pays. Aux lendemains
de la Seconde Guerre mondiale, les Haïtiens reprennent le contrôle… du
moins jusqu’à ce que François Duvalier soit proclamé président à vie, en
1964. Une dictature prend place…
L’année suivante, Georges Anglade et sa femme vont en France faire
leur doctorat en géographie et en économie. Une fois son diplôme en
proche, le géographe entend parler de l’Université du Québec à Montréal,
sur le point d’ouvrir ses portes. Nous sommes en 1969. Tout est à faire !
Il sera l’un des fondateurs du département de géographie de l’UQAM.
Avec les Québécois, il retrouve « avec plaisir, le style américain aux
manières directes, affables et conviviales », explique-t-il dans un
livre d’entretiens. Après un séjour tumultueux en Haïti en 1974, durant
lequel il est emprisonné, il publie des manuels de géographie vendus à
des centaines de milliers d’exemplaires dans son pays.
UN INTELLECTUEL ENGAGÉ
L’enseignement et la recherche le comblent, mais la volonté de servir
son pays le tenaille. Le 7 février 1986, le dictateur Jean-Claude
Duvalier fuit le pays. Georges Anglade croit que c’est aux leaders de la
6e génération d’entrer en scène. Avec d’autres réformateurs, il fonde
le Mouvement haïtien de solidarité. Son grand projet : mobiliser les
meilleurs talents de la diaspora haïtienne dispersée aux quatre coins du
monde.
Le 15 novembre 1990, il publie le manifeste « La chance qui passe »
du parti de Jean-Bertrand Aristide qui devient président un mois plus
tard. Son élection suscite énormément d’espoir. Hélas, moins d’un an
plus tard, un coup d’État oblige Aristide à s’exiler. De 1992 à 1994,
Anglade défend la cause haïtienne à Washington.
Après le retour de la démocratie, il accepte un poste de ministre des
Travaux publics. Durant ses 300 jours aux commandes, il est victime de
deux attentats. Il demande à son cousin Édouard, un policier de
Montréal, de former des agents haïtiens. Malgré sa bonne volonté, il
n’arrive pas à imposer ses réformes.
Cette passion du service public, il l’a transmise à sa fille
Dominique, née au Québec en 1974, aujourd’hui présidente de la Coalition
pour l’avenir du Québec (CAQ).
Georges Anglade a aussi laissé une œuvre littéraire. En 1999, il remportait le prix José Marti de l’UNESCO.
Eric Bedard
Credits : EricBedard/LeJournaldeMontréal/CANAL+HAITI
Written by:canalplushaiti
Written on:juin 4, 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire