lundi 21 janvier 2013

Interview de Jacquely Lafontant, leader de la communauté haïtienne de Milwaukee (Wisconsin, USA)


« Il est impératif que les haïtiens retournent au pays, en vue d’apporter leurs avoirs et leur savoir pour la restructuration du pays »…En résumé, c’est ainsi que Madame Jacquely Lafontant, résidant à Milwaukee dans le Wisconsin, USA, voit la participation de certains cadres de la diaspora dans la reconstruction de la nouvelle Haïti.
 Elle vient du Cap-Haitien.

 Notre protagoniste laissa Haïti, adolescente  en été 1972, pour suivre sa mère qui décrocha un contrat de professeur au Canada. Infirmière de profession, elle a fait des Etudes  en Haïti, au Canada, en France et aux États-Unis d’Amérique.

 L’Invitée de « DIASPORAMA » a plusieurs cordes à son arc : Elle prépare un bachelier en sciences Infirmières. Madame Lafontant  détient également  une maitrise en littérature comparée et  Lettres Modernes, obtenue à l’Université Catholique de Paris en France. Elle est  interprète-traductrice, éducatrice bilingue. Elle maitrise aisément, plus de six langues, dont le français, l’anglais, l’espagnol, le créole haïtien,  l’allemand et  l’italien.

 L’Intellectuelle de lettres participe à plusieurs projets et programmes humanitaires destinés  à ses compatriotes démunis d’Haïti, elle pourra mieux élaborer, en long et en large, au cour de cette longue entrevue à bâton rompu.

 La polyglotte croit énormément à la richesse et aux potentialités de ses compatriotes de l’extérieur, elle est «…convaincue que la diaspora haïtienne redonnera au pays son image d’antan. Elle (ndlr : La diaspora) détient en mains les outils nécessaires pour l’édification d’une nouvelle Haïti. Elle (ndlr :La diaspora) dispose de professionnels capables d’apporter leur connaissance éclectique dans tous les domaines… »

 En nous parlant dans cet entretien, vous sentirez qu’elle a du chien. Elle a dit tout haut ce que certains politiciens haïtiens n’osent même pas dire tout bas. Bonne patriote, la femme de lettre  n’en revient pas des résultats catastrophiques obtenus par la présence de la Force Armée Multinationale qui se trouve en Haïti depuis 2004, après le départ du président Jean-Bertrand Aristide pour l’exil, en Afrique du Sud : «… La Minustah n’a plus sa place au pays. Son heure a sonnée. Qu’avons-nous recueilli de cette armée onusienne? Elle a travaillé contre les intérêts d’Haïti sans aucun agenda ». 

 Sur cette lancée, elle ne va pas par quatre chemins, en donnant sa position sur la Remobilisation et la Réhabilitation des Forces Armées d’ Haïti, orchestrée par le gouvernement Martelly/Conille: «… Je suis pour le retour de l’armée, mais une armée moderne et professionnelle qui répond aux besoins spécifiques du pays. Nous avons besoin d’une armée qui joue un rôle de développement à tous les niveaux et échelons. Nous n’avons pas besoin d’une armée calquée à l’européenne ou à l’américaine. Nous n’avons non plus besoin de bourreaux, mais de patriotes conscientisés capables de faire des forces armées une vraie institution… »

 L’Infirmière  pense que le «… changement s’effectuera à partir du moment que, chacun de nous prenne conscience qu’Haïti ne sera libérée que par les haïtiens eux-mêmes… » …Et de poursuivre, « …Mais quelque chose a besoin de changer: « notre mentalité ». Il nous faut du courage, une franche solidarité relever notre dignité et regagner notre souveraineté nationale… »

…Et pour couronner le tout, Madame Lafontant, une très forte personnalité, mère de famille, croit, sans démordre, que l’avenir prometteur de la première République Noire Indépendante du Monde appartient aux jeunes… : « …Le destin d’Haïti  repose sur cette jeunesse et ne peut se faire qu’en Haïti… »
 
 
Jacquelyn Lafontant, INTERVIEW…

 D.-Jacquely Lafontant, depuis quand avez-vous laisse Haïti et pour quels motifs?

JL.- J’ai laissé Haïti en été 1972 à l’âge de l’adolescence sur les instances de ma famille qui résidait déjà en outre-mer depuis les années 60. Ma famille se sentait déçue du système en place. Donc, elle s’était donc décidée de laisser Haïti pour tenter une vie meilleure, ailleurs. Ma mère s’est décrochée un contrat de professeur au Canada et nous a fait chercher mes sœurs et moi, quelques années plus tard.


D.- Pouvez-vous nous parler de vos activités professionnelles?

JL.- C’est un peu compliqué et bizarre. Actuellement, je suis infirmière de profession académique et professionnelle et je prépare un bachelier en sciences Infirmières. Je tiens à exercer mes talents en soins curatifs et en même temps valoriser l’importance de vie humaine et d’apporter du réconfort à ceux qui en ont besoin, tout en essayant de ne pas être trop présomptueuse, je crois que j’ai des aptitudes innées et des affinités inhérentes à ma personne pour faciliter le bien-être physique et spirituel d’autrui. 

Mon dessein est d’élargir mes connaissances en soins infirmiers et me dédier à des recherches basées sur l’effet curatif des plantes tropicales. Je détiens aussi une maitrise en littérature comparée et les lettres modernes. Je suis interprète-traductrice, éducatrice bilingue. je maitrise le français, l’anglais, l’espagnol et le créole haïtien et j’ai une connaissance approfondie de l’allemand et de l’italien.


D.-Quels pays avez-vous visite avant de vous établir définitivement aux Etats-Unis ?

JL.- Voyager c’est ma passion. Avant de partir pour l’Europe, je résidais aux Etats-Unis et je m’amusais à balader avec mes amies dans les iles de la caraïbe et dans divers pays de l’Amérique latine et centrale.


 D.- Quelle relation développez-vous avec la communauté haïtienne de l’hexagone?

JL.- J’essaie de maintenir un contact serré avec mes compatriotes. Je tache de m’informer sur les dernières actualités en ce qui a trait à l’éducation, la santé et plus précisément les activités culturelles qui visent à introduire Haïti dans toutes ses sphères. Beaucoup d’universitaires américains nés de parents haïtiens organisent des fêtes et évènements divers en vue de sauvegarder la culture et la tradition haïtienne à l’étranger.


D.- Qu’est-ce qui vous a captivé en territoire américain?

 JL.- Ce qui m’a captivé en territoire américain c’est la multitude d’opportunités offertes dans de divers domaines comme: l’éducation, la santé, le génie, la technologie et autres professions de cette société pluraliste pour améliorer ou réussir votre vie. La liberté de la presse et de l’expression individuelle (quoique les Etats-Unis sont places au 36eme rang et le canada au 12eme). 

C’est l’unique pays au monde qu’on accorde tant d’enthousiasme à l’émancipation de l’individu si vous vous montrez réellement intéresser, déterminer et persuasif à la réalisation de vos perspectives.
C’est un pays d’avenir pour ceux qui cherchent à combler leurs atouts et à réaliser leur potentiel. Je puis affirmer sans exagération que c’est un territoire ou femmes, hommes et enfants de tous âges et de tous horizons peuvent s’instruire, élargir leurs connaissances, s’épanouir, retrouver un espoir , concilier leurs différences et bâtir un monde meilleur. Chaque individu quelque soit ses orientations peut acquérir de la compétence grâce à un système d’éducation de niveau très varié. C’est un territoire ou des choses incroyables peuvent se produire si toutefois l’on est déterminé à profiter de tous les débouchés qui se croisent sur son chemin tout en ayant la vigilance de ne pas vous laisser entrainer par les idées et courants négatifs. C’est un pays d’entraide ou l’on ne se sent pas isolé, si toutefois l’on aspire à quelque chose de positif.

J’ignore en réalité si l’on peut réussir à partir de rien d’après le rêve américain, mais ce dont je suis sure, l’on peut gravir les échelons à partir de ses propres efforts. Les États-Unis ont fait de formidable progrès en termes de conscience morale même si le racisme perdure. Beaucoup d’erreurs ont été commises dans le passé, des erreurs irréparables contre d’autres peuples d’ethnies différentes ; mais je puis affirmer sans hésitation aucune: peu importe vos origines, vos mœurs et croyances toutes les opportunités vous sont ouvertes pour atteindre ce rêve américain (American dream) dont on parle assez souvent tout dépend de vos objectifs, persuasions et de vos aptitudes. 

Tous les peuples sont acceptés pour poursuivre le rêve américain. C’est une culture de grande diversité ou cohabite une société pluraliste et pluriethnique ou la tolérance s’exerce dans le plus grand respect. C’est un pays qui essaie de respecter et d’appliquer la constitution quoi qu’il existe encore certains écarts. Malgré certains cas isolés flagrant d’intolérance. La liberté de religion est dument protégée et encouragée par la loi. Ce qui est tout a fait contraire chez nous ou nous avons du mal à tolérer et à accepter la croyance des autres comme le prédit la constitution haïtienne. En un mot. le territoire américain représente une terre d’opportunités pour tout un chacun.


D.- Existe-t-il des associations pouvant défendre les intérêts des haïtiens la ou vous êtes, dans le Wisconsin?

JL.- Non, je n’en connais aucune. Je ne suis pas informée d’aucune association ayant pour tache de défendre les intérêts des haïtiens dans la ville de Milwaukee. Il y a très peu d’haïtiens qui habitent l’Etat du Wisconsin. Je suis en pourparlers avec des amis en vue de pouvoir actualiser une telle démarche au niveau universitaire.

Néanmoins, à l’université de Wisconsin, je puis affirmer qu’il y a des américains d’origine haïtienne qui organisent de temps a autres des spectacles, des conférences sur l’histoire d’Haïti, des colloques, des expositions d’art et de peinture haïtiennes.

L’université a organisée tout récemment une exposition de peintures haïtiennes. Après le séisme du 12 janvier 2010, j’ai été fort émue de constater l’empressement avec lequel les habitants de Milwaukee faisaient des collectes de fonds pour Haïti. Partout ou je m’y rendais, il y avait une boite de collecte de fonds  où les gens se donnaient de la peine à partager le malheur qui s’était déferlé et abattu sur Haïti selon leur possibilité. Les églises catholiques et protestantes répondirent à l’appel avec beaucoup de spontanéité.


D.- Quelle relation développez-vous avec la communauté haïtienne de Milwaukee?

 JL.- Il n’existe pas proprement dit une communauté haïtienne à Milwaukee. Il y a très peu d’haïtiens qui habitent l’Etat de Wisconsin, et ils vivent très éparpillés. Nos compatriotes sont plus largement répandus a Chicago, dans l’Etat d’Illinois et d’Indiana. Mais cependant, Haïti si petite qu’elle soit a toujours fait écho a travers le monde soit à cause de son histoire de jadis ou à cause de l’immense PAUVRETE à laquelle elle fait face aujourd’hui.

 Milwaukee, est la capitale américaine de la bière. Elle doit cette spécialité à sa colonie allemande qui fonda les premières brasseries au XIXème siècle. Haïti a des correspondances très importantes et très étroites avec cette ville du ‘Mid –ouest’ américain. Le musée d’art à Milwaukee abrite une belle collection d’art haïtien en vue de promouvoir la culture haïtienne.

Depuis bien avant le séisme de 2010, plusieurs églises épiscopales dans diverses villes de l’Etat de Wisconsin s’étaient unifiées sous le pseudonyme « Projet Haïti » pour étendre et manifester leur compassion vis-vis du pays. « Projet-Haïti » est un ministère de sensibilisation qui travaille en partenariat avec plusieurs autres en vue d’améliorer la société haïtienne à travers l’éducation et l’acquisition d’eau potable, santé et promouvoir les nécessités humaines ayant pour objectif de promouvoir l’autosuffisance et l’indépendance à travers leurs coopératives. « Projet-Haïti » développe notre agriculture en cultivant du café haïtien appelé « Chant de coq » qui soutient les agriculteurs haïtiens et les bénéfices reviennent à Haïti pour les programmes de durabilité économique. Le jour même du séisme, beaucoup de résidents du Wisconsin étaient déjà sur les lieux et parmi eux se trouvaient des membres du diocèse épiscopal de Milwaukee et un groupe d’étudiants en génie de l’Université de Wisconsin. 

Deux personnes venant du sud-est de Wisconsin sont portées disparus en Haïti et une autre étudiante a été retrouvée vivant dans une cage d’ascenseur dans l’hôtel Montana. Nous avons toute une série d’organisations provenant de Milwaukee qui ont jetées les yeux sur HAITI, telles que: les amis de la santé, paroisse gessu à Milwaukee dans le jumelage avec l’église de st-Jude en Haïti, Notre-Dame de Lourdes dans le jumelage avec Norwich-mission en Haïti. En un mot, la ville de Milwaukee a pleinement participe à l’édification d’une meilleure société et à la diminution de la pauvreté dans certaines régions bien déterminées en Haïti et pour ceci nous remercions vivement et avec gratitude les diocèses épiscopaux et catholiques qui ont apportés leur soutien collaboration à Haïti.


D.- Quels liens entretenez-vous avec Haïti?

JL.- J’ai toujours été un fan des livres. Je dois tout aux livres. C’est en eux et avec eux que j’ai fait pleine connaissance avec ma terre natale. C’est aussi grâce à eux que j’ai appris qu’il est possible d’immortaliser ceux qui me manquent énormément. C’est aussi à travers eux que j’ai appris à connaitre mon pays et à être haïtienne. Cependant, je me fais aussi le devoir de m’informer sur les actualités courantes. Je maintiens des dialogues serrés avec des amis ayant des intérêts communs et je participe à des débats universitaires pour l’avènement d’une Haïti meilleure et… à la hauteur de son histoire.


 D.- sous quelles conditions aimeriez-vous retourner vivre définitivement en Haïti?

JL.- Une fois retournée, mon installation serait définitive. Pour l’instant, je n’entrevois aucune possibilité de retour, à moins que les haïtiens se réveillent et s’harmonisent, pour restructurer leur pays. Il faut que tout un chacun de nous cesse de penser à l’appui du gouvernement pour notre libération. Le changement s’effectuera à partir du moment que, chacun de nous prenne conscience qu’Haïti ne sera libérée que par les haïtiens eux-mêmes. 

Il n’y aura pas de changement tant que nous ne mettions pas de coté notre caractère égotique et de nous défaire de cette démocratie occidentale qui nous a été imposée. Je sens mon cœur qui se décline quand j’entends la dessalinienne. J’apprécie mon pays et les mots me manquent pour montrer la vraie dimension de mes sentiments. Mais quelque chose a besoin de changer: « notre mentalité ». Il nous faut du courage, une franche solidarité relever notre dignité et regagner notre souveraineté nationale.


D.- Quels sont vos espoirs pour la diaspora haïtienne?

JL.- La diaspora n’a jamais été appréciée par la patrie-mère de peur quelle ne change le statu quo. Ainsi la diaspora se sent frustrée et hésite à offrir une coopération totale à son pays d’origine. Elle se sent délaissée par la dite constitution qui lui refuse la double nationalité. J’ai grand espoir que la diaspora relèvera le défit fait à notre pays en consolidant et resserrant les maillons de la chaine d’union, mais elle a besoin de s’organiser. Elle a besoin d’un leader visionnaire capable de les inciter à sortir du doute, de la crainte et de l’épouvante. Elle œuvra a ressusciter notre fierté si humiliée et de redresser notre économie nationale si démantelée. 

Je suis convaincue que la diaspora haïtienne redonnera au pays son image d’antan. Elle détient en mains les outils nécessaires pour l’édification d’une nouvelle Haïti. Elle dispose de professionnels capables d’apporter leur connaissance éclectique dans tous les domaines: éducation, santé, agriculture, ingénierie, technologie, etc… Tous ceux qui pouvaient contribuer à l’ascension du pays ont mis leur connaissance au service de l’Etranger. Haïti a connu une fuite de cerveaux à partir des années 60, il est impératif que les haïtiens retournent au pays, en vue d’apporter leur avoir et leur savoir pour la restructuration du pays.


D.- Que pensez-vous de la présence de la Minustah en Haïti?

JL.- La Minustah pour quoi faire? C’est la diaspora haïtienne qui paie ses taxes aux Etats-Unis finance le budget total de la MINUSTAH. La Minustah n’a plus sa place au pays. Son heure a sonnée. Qu’avons-nous recueilli de cette armée onusienne? Une force étrangère rétribuée par l’Etat haïtien qui mène une belle vie, tandis que les haïtiens au pays mènent une vie de chien. Notre malheur c’est que nous optons toujours au détriment de nos propres intérêts. Comment concevons-nous la présence d’une armée ETRANGERE sur notre territoire, pour sauvegarder le patrimoine national, maintenir l’ordre et établir la sécurité. En plus, le personnel de la Minustah n’a aucun agenda valable pour le développement du pays. Elle a travaillé contre les intérêts d’Haïti sans aucun agenda.

Il incombait au gouvernement haïtien de dresser les grandes lignes d’un travail de développement à cette armée onusienne. La présence de ces soldats a abouti au négatif. Courtiser nos femmes, nous apporter des fléaux et nous infliger de la détresse furent leur principal dessein.


D.- Par conséquent, devrait-on remobiliser et réhabiliter les forces armées d’Haïti (FAD’H)?

JL.- Oui !!! Je suis pour le retour de l’armée mais une armée moderne et professionnelle qui répond aux besoins spécifiques du pays. Nous avons besoin d’une armée qui joue un rôle de développement à tous les niveaux et échelons. Nous n’avons pas besoin d’une armée calquée à l’européenne ou à l’américaine. Nous n’avons non plus besoin de bourreaux, mais de patriotes conscientisés capables de faire des forces armées une vraie institution. Une armée éducatrice et coordinatrice qui travaillera de pair avec les différentes institutions (agriculture, santé, éducation, technologie, etc)… pour l’apogée de notre pays. Une armée capable de casser ce cycle de la violence qui empêche tout investissement venant de l’extérieur. Une armée capable de former de nouveaux cadres en mettant leur expertise professionnelle au service de leur pays. Plus de pédantisme. Plus de terreur.


D.- Votre vie est-elle une réussite? Autrement dit, avez-vous réalisé le rêve de votre vie?

JL.- Réaliser le rêve de ma vie ? Comment? Mon pays est représenté comme le pays le plus pauvre du monde. Le tout ce n’est pas d’avoir des satisfactions personnelles, d’accrocher de beaux diplômes au mur, mais d’avoir une vision patriotique pour son pays. Mes objectifs pour mon pays ne sont pas comblés.

Comment peut-on être satisfaite si son pays est sous la dépendance d’autrui? La vie de mes compatriotes est menacée par la faim, la soif, les problèmes de l’habitat et de nouveaux cataclysmes nous tombent dessus. L’haïtien n’est plus maitre de chez lui. Ce sont les diktats de l’étranger qui gouvernent et pire, ils ne répondent et ne s’adaptent même pas… …même à nos réels besoins. Aujourd’hui, nous devrions être un rôle mode pour tant d’autres pays et plus précisément les pays de l’Afrique; tout au contraire nous avons perdu notre fierté, dignité et notre souveraineté nationale. Mon pays n’est plus un pays producteur, mais plutôt un pays mendiant portant son « Kwi » par-ci et par-là et où la corruption semble s’installer à tous les niveaux, régnant en maitresse.

Comment être satisfaite, si mon pays est reconnu partout comme un pays qui produit de la mauvaise herbe et qui a perdu son autonomie. Jadis, Haïti était considérée comme un havre de paix. Aujourd’hui. Elle ne représente qu’une jungle, ou un afflux de gens venus de partout viennent réclamer leur morceau, ou défendre leurs intérêts sous prétexte de nous aider.
Comment me sentir satisfaite pendant que mon pays endure les pires vilenies et péripéties, où mes semblables sont exposés à l’insalubrité des tentes, victimes de cholera, ‘tent babies’, corruption, appauvrissement, insécurité. C’est avec le cœur brisé que je regarde des fillettes et des garçonnets exposant leur nudité dans une atmosphère aussi fragile. C’est tout comme la mendicité fait partie intégrante de leur vie. Les enfants courent dans les rues dont les yeux renferment un monde auquel il n’y a pas d’issues et où la bêtise humaine les forces à marcher les pieds nus et la faim les amène à fouiller parmi les rebus. C’est avec beaucoup d’amertumes que l’on voit grandir des jeunes sans espoir et sans avenir au risque de se livrer au naufrage à la mer à la recherche d’un lendemain plus prometteur.

Je ne vois pas comment me sentirai-je satisfaite et accomplie si le peuple de mon pays vit dans un état déshumanisé, crasseux, immonde, poisseux et miséreux. Malgré toutes mes années en terre étrangère, je suis née haïtienne, je resterai haïtienne dans mes mœurs et pensées, je maintiendrai et garderai à jamais une âme haïtienne. Et malgré tout, je suis fière d’être haïtienne dans l’espoir que Haïti regagnera sa fierté de jadis.


D.- Quels sont vos espoirs pour la jeunesse haïtienne?

JL.- Pour moi, la jeunesse haïtienne a trois grands obstacles:
1. le manque d’encadrement,
2. l’exode vers l’étranger,
3. le refus d’associer la diaspora dans le développement du pays qui serait un avantage pour la jeunesse locale.

Sans une jeunesse épanouie, le pays fait face a un avenir boiteux provoqué par une rupture socio-économique et politique du pays. Les jeunes haïtiens manquent d’espoir et de perspectives face à un manque d’encadrement, une misère omniprésente qui les force à se tourner vers l’extérieur afin d’aspirer à une vie meilleure à n’importe quel prix (the boat people). Il devient impératif que cette jeunesse exprime ses aspirations à travers de nouvelles expressions artistiques culturelles et sociales. C’est au gouvernement d’intégrer une perspective  »jeune » dans ses analyses afin que cette jeunesse s’arme de l’habilitation de se défendre de critiquer et d’évaluer. 

Cette jeunesse a besoin de prendre conscience de ses potentialités en termes de développement, de trouver des solutions pour faire face aux défis de scolarisation, d’éducation, de formation professionnelle, mais aussi de santé et de développement économique et sociale. Elle a besoin de relever le défi et tout un chacun doit s’y mettre en termes de créativité et d’esprit d’innovation à travers une gouvernance démocratique proprement dite. La jeunesse haïtienne doit se rendre compte qu’elle est l’accélération de l’histoire et qu’elle doit se libérer du passé colonial, de reprendre conscience du rôle que Haïti peut jouir dans le concert des nations. En ce sens, il faut entrainer les jeunes à devenir avant tout des citoyens et des leaders créateurs et innovateurs capables de transformer la société haïtienne dans une solidarité fondée sur la viabilité des idées et le professionnalisme de la démocratie et du civisme. Elle doit assumer un rôle de catalyseur dans le domaine du développement et se convertir en de vrais patriotes et des agents de développement à part entière.

Le destin d’Haïti  repose sur cette jeunesse et ne peut se faire qu’en Haïti. Notre vrai ennemi ce n’est pas les autre pays mais bien ceux qui nous entrainent dans les dédales de leur cécité, corruption.
Il faut que cette jeunesse se décide à se battre contre tous ceux qui veulent freiner leur désir d’émancipation et d’étouffer leur élan de liberté. Autrement le devenir d’Haïti est languissant, déclinant et sombre.




Propos recueillis par Andy Limontas pour DIASPORAMA une Production CANAL+HAITI

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Written on:mars 6, 2012 
 
 Crédit: CANAL+HAÏTI
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