lundi 21 janvier 2013

Interview de M. Samuel Colin, délégué général de la fédération diaspora haïtienne d’Europe (fedhe).

Après le retentissant succès de l’interview du présentateur-vedette de France-24, Philomé Robert sur la « Toile », CANAL+HAITI  continue la série de rencontre avec les compatriotes de la diaspora, dans le cadre de sa Chronique, « DIASPORAMA ». Elle est heureuse de vous présenter, en exclusivité, une autre figure emblématique de la Communauté Haïtienne de l’extérieur d’Haïti, M. Samuel Colin, qui dirige la FEDERATION DIASPORA HAITIENNE D’EUROPE (FEDHE), une association d’aide au développement pour Haïti, basée à Paris (France).

M. Colin vient de Desdunes, zone Bois-Gérard (Section communale du Département de l’Artibonite) Il a fait des études en diplomatie au ‘Centre d’Etude Diplomatique et Relations Internationales CEDI’. Il débarqua en France où il s’installa depuis 2001. Mais sitôt arrivé dans l’ex-métropole d’Haïti, il a dû faire une reconversion professionnelle. Il fit, d’abord, une Formation en Gestion Hôtelière (niveau licence), lui permettant de travailler dans des hôtels de luxe en tant que Chef de Service-Qualité à Disneyland (Walt Disney World) de Paris et ensuite Chef d’Exploitation pour des sous- traitants en hôtellerie. Actuellement, il prépare un Master II en Gestion de Projet au CNAM.

Il nous dit avec franchise, dans cette interview, les raisons qui l’ont poussé à laisser Haïti ; il nous fait des confidences sur les relations qu’il développe avec ses compatriotes de la communauté haïtienne de France. Il nous parle de ses rapports et surtout de son support vis-à-vis de son pays d’origine ; de ses souvenirs de jeunesse en Haïti. Il établit une parallèle entre « aide au développement durable » et « aide humanitaire en Haïti » ; M. Samuel Colin nous donne sa position exacte sur la présence de la Minustah en Haïti et le retour des Forces Armées d’Haïti dissoutes en 1994, sous le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide… Et finalement, nous ressentons sa terrible nostalgie de sa terre natale, en écoutant son cri du cœur : « Mwen anvi pran yon plat diri Madan gougous ak pwa nwa e legim lalo… hmm » (J’ai une envie folle de déguster un plat de riz ‘Madame Gougousse’  avec des haricots noirs, agrémentés de « Légume –Lalo »[NDLR, spécialité de l’Artibonite] )

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs: le Délégué Général de la FEDERATION DIASPORA HAITIENNE D’EUROPE (FEDHE), M. Samuel Colin.
D.- Colin Samuel depuis quand avez-vous laissé Haïti?

SC.- J’ai laissé le pays en été 2001.


D.-Pour quelle(s) raison(s) avez-vous laissé Haïti ?

SC.- Je devais participer à une conférence à Kingston, Jamaïque


D.-Dans quelle condition avez-vous laissé votre pays d’origine ?

SC.- A l’époque où j’ai quitté Haïti, j’étais un fonctionnaire public attaché au parlement comme J’ai laissé le pays, comme je l’ai dit plus haut, pour prendre part à une conférence à Kingston. Sous le conseil d’une personnalité très respectée d’alors, Monsieur Gérard Pierre Charles, de regrettée mémoire, J’ai dû rester à la Jamaïque pour quelques mois de plus à cause des turbulences politiques en attendant que la situation s’améliore. Et comme cela ne faisait qu’empirer, j’ai tenté de faire une demande de visa pour la France. Cela a marché et je suis rentré en France en fin de décembre 2001.


D.-Pouvez-vous nous parler de vos activités professionnelles, universitaires ou scolaires ?

SC.- Quand j’ai laissé Haïti, j’étais en fin d’études diplomatiques au Centre d’Etude Diplomatique et Relations Internationales CEDI. Arrivé en France, j’ai dû faire une reconversion professionnelle. J’ai fait une formation en gestion hôtelière (niveau licence) qui m’a permis de travailler dans des hôtels de luxe en tant que chef de service qualité à Disneyland / Paris et chef d’exploitation pour des sous- traitants en hôtellerie et je suis actuellement en master II (gestion projet au CNAM).

Là, je peux avouer avoir fait connaissance à des VIP et au monde du luxe.


D.- Quels pays avez-vous visité avant de vous établir définitivement en France?

SC.- Non, je suis resté à Kingston et quelques mois plus tard, j’ai débarqué en France où je me suis installé depuis 2001.


D.- Quelle relation développez-vous avec la communauté haïtienne de l’Hexagone ?

SC.- Je suis très coopératif avec les haïtiens en difficulté en France mais aussi, j’entreprends (J’ai eu) de très bonnes relations pas seulement de franche camaraderie ou de concitoyenneté mais surtout de collaboration, de partenariat et même de coentreprise avec les collègues du monde universitaire et associatif.

Je crois fermement dans la devise de notre pays : l’union fait la force / « men anpil chay pa lou », mais je crois aussi que l’entraide est l’un des meilleurs moyens de rester solidairement attachés.


D.- Existe-t-il des associations pouvant défendre les intérêts des haïtiens là où vous êtes ?

SC.- Oui, il y a des structures Haïtiano-françaises surtout dans le domaine humanitaire, mais qui restent trop timides pour influencer les décisions des pouvoirs publics lors- qu’il s’agit de défense d’un Haïtien, il nous faut oser secouer notre timidité pour nous faire entendre car, la diaspora Haïtienne n’est pas forcément bien intégrée. Nombreux sont ceux qui galèrent pour trouver un boulot ou pour se faire admettre comme membres de la société. Nous pensons nous organiser mieux afin d’entreprendre des actions ponctuelles pouvant contribuer à une meilleure intégration de la diaspora au sein de la communauté d’accueil.


D.- Qu’est-ce qui a pu vous captiver en territoire français ?

 SC.- Je suis très impressionné par la lourdeur de l’administration Française, le fonctionnement des communes, des départements et des régions avec une telle complexité et au final, ça marche quand même bien.


D.- Comment sont vos rapports avec la mère-patrie ?

SC.- Les rapports sont plutôt bien, je garde tous les contacts, j’ai vécu les douleurs du drame du 12 janvier comme si j’étais là bas, mon entreprise m’avait donné quelques semaines de repos qui m’ont permis de (me concentrer pendant les premiers mois post séisme de) participer à diverses activités solidaires pour Haïti. Actuellement, la FEDHE est en train de réfléchir, en partenariat avec d’autres associations haïtiennes, présentes en France, sur plusieurs projets visant à encourager la reconstruction du pays et à promouvoir le développement durable dans le pays que ce soit en termes d’encadrement, d’accompagnement ou d’investissement. Notre priorité pour l’instant est de trouver une formule pour l’implication de la diaspora Haïtienne dans le processus de la reconstruction en tant qu’acteur et non facteur du nouveau Haïti, il faut que la diaspora puisse voter à l’élection présidentielle.


D.- Quels genres de support apportez-vous à l’alma-mater ?

SC.- Economique (actions) ; social (actions) ; politique (actions) ; autres…


D.- Aimeriez-vous retourner vivre définitivement en Haiti, sous quelles conditions ?

SC.- Sans hésitation, je vous réponds de la manière la plus sincère possible, Oui, avec un grand « O »

Je n’ai pas besoin de poser des conditions (vous savez,) sauf que, vous le savez bien, une conjoncture sereine, sécuritaire est (une) la condition sine qua non pour un nouveau départ vers tout progrès social et tout développement durable. (tout commence là, pour lutter contre la misère, la faim en un mot la pauvreté, cette condition citée dessus est impérative.)Je suis prêt à revenir au bercail pour qu’ensemble nous puissions lutter contre la faim, contre la misère, en un mot contre la pauvreté mais il faut un climat de sécurité propice.

D.- Parlez-nous de vos bons et mauvais souvenirs d’Haiti ?

SC.- Pour être honnête avec vous, l’un des souvenirs de jeunesse qui m’a marqué, c’est l’élection du Président Aristide en 91 et surtout son retour en 94. J’étais (tellement) heureux et fier, car j’avais pensé qu’enfin toutes les portes (sont) allaient s’ouvrir à la jeunesse, mais le constat était plus qu’alarmant. (Six mois plus tard,) C’était la désillusion, le désappointement, le désenchantement en un mot, c’était la consternation (la médiocrité au service du pouvoir, les compétences reléguées à l’arrière- plan, l’effritement des valeurs…C’était le règne du banditisme et nul n’était épargné. Je me rappelle avec épouvante avoir failli être la proie d’un sbire lavalassien alors que je travaillais au parlement. Il avait voulu m’intimider et comme moi je ne me laissais pas faire, j’avais failli y laisser ma peau. Toutefois, les bons souvenirs ne manquent pas et c’est ce qui me donne la force de lutter pour une accession à des jours meilleurs.

Un cauchemar (confusion totale) par des pratiques qui encouragent la médiocrité, plus de valeurs au sein même du pouvoir (tu te fais remarquer comme bandits, tu te fais appeler au palais…) Un pays, ne doit pas fonctionner comme ça.)

(Les bandits devraient être en prisons, c’est l’inverse, voilà pourquoi beaucoup de gens qui ne sont pas vrai bandit, qui deviennent de bandits. Dans une telle circonstance de désordre totale, c’est dire bonjour, bonjour à la pauvreté.)


D.- Quels sont vos espoirs pour la jeunesse haïtienne ?

SC.- J’ai le sentiment qu’une prise de conscience collective est en train de faire surface, je peux ajouter que l’école est la meilleure garantie pour la jeunesse, et comme on est en train de prôner l’instruction pour tous, j’espère qu’il y aura moins de délinquants, moins d’enfants dans les rues, moins d’insécurité, plus d’avenir pour la jeunesse, plus d’espoir pour les parents, enfin une vie meilleure pour tous. Je rêve d’une jeunesse plus active, plus prometteuse, plus dynamique, plus confiante, moins malléable, moins vénale, aimant la patrie et se dévouant pour ses causes nobles et justes.(il faut faire de sacrifices pour étudier, comme BILL GATES, on ne sais pas combien de talent en or que contient ce pays, donner la chance à chaque enfant…)


D.- Quels conseils donneriez-vous à la diaspora haïtienne concernant son pays d’origine ?

SC.- De continuer à aider la famille, mais qu’elle fasse un effort pour investir. Prendre le risque d’entreprendre en Haïti est la meilleure chose qu’on peut puisse faire pour le pays et là je suis dedans à fond (diaspora investissement) pour transformer notre enveloppe aide à la famille en de vraies sources productives.


D.- Qu’entendez-vous par aide au développement durable ?

SC.- L’aide au développement durable est une action volontaire faite par un acteur extérieur à un pays en voie de développement pour l’aider à gérer rationnellement ses ressources humaines, naturelles et économiques visant à satisfaire les besoins fondamentaux de la population.

(Le développement durable) C’est pour moi un paquet où l’on doit marier l’actionnariat avec méthodes scientifiques bien établies et les efforts de l’Etat pour asseoir un équilibre de paix, de tranquillité hmmmmmm ça remonte le moral, donne envie de vivre, s’épanouir…


D.- Pouvez-vous faire le distinguo entre « aide pour le développement durable » et « aide humanitaire » ; laquelle de ces problématiques choisiriez-vous pour Haïti et pourquoi? »

Contrairement à l’aide au développement durable qui sert à impulser le développement d’un pays en voie de développement, l’aide humanitaire est destinée aux populations victimes de conflits ou de catastrophes naturelles . Alors que l’aide au développement durable se confirme dans des actions volontaires visant la satisfaction à long terme des besoins fondamentaux d’une population, l’aide humanitaire consiste en une forme de solidarité ou de charité visant à secourir dans l’immédiat une population en difficulté. Dans les périodes de catastrophes naturelles tel le dame du 12 janvier 2010, oui l’aide humanitaire est indispensable pour n’importe quel pays, mais la véritable aide reste et demeure l’aide au développement durable pour Haïti car seule cette aide pourra nous aider à nous échapper de la dépendance de la communauté internationale.

(Bien sur, l’exemple est le drame meurtrie « 12 janvier 2010 »les semaines qui succèdent cette date qui a fait pleurer tout un peuple méritent d’être accompagnée, solidairement, aller chercher de l’eau, prendre en charge provisoire des enfants dont les parents sont coincés quelque parts sous les décombres, rester à coté des victimes, faire à manger et offrir votre maison gratuitement aux gens, envoyer des tentes. Ceux sont des actions importantes qui constituent L’aide humanitaire, mais nous devons faire le distinguo et trouver la bonne formule applicable pour aider à s’en sortir dans la durée. Cinq ou six mois, c’est un état post Séisme et là, nous aurons à choisir : rester sous la dépendance des autres, ou prendre le taureau par les cornes « affronter la vie »Les actions doivent bien être étudiées avec sens de responsabilité par les autorités. Donc le développement durable est une chaine où il existe plusieurs maillons qui remplissent leurs tâches. En un mot, dans une période de catastrophes naturelles oui l’aide humanitaire est indispensable pour n’importe quel pays, mais la vrai aide reste et demeure l’aide de développement durable pour Haïti.)


D.- Que pensez-vous de la présence de la Minustah en Haïti ?

SC.- C’est une déception totale pour l’histoire d’Haïti. Elle était venue pour aider à la stabilisation du pays mais je pense qu’elle a beaucoup plus contribué à le déstabiliser qu’à le stabiliser. Pour moi, sa présence n’est que de trop et je souhaite son départ définitif le plus vite possible.


D.- Devrait-on remobiliser et réhabiliter les FADH ? Pourquoi ?

SC.- Oui puisqu’elle est une institution légale et que la constitution reconnait son existence. On a démobilisé notre force armée sous prétexte que nous n’en avions pas besoin pourtant on a fait venir dans le pays des forces étrangères pour aider à la stabilisation du pays. Ces forces étrangères coûtent beaucoup plus que ne nous aurait coûté l’entretien de la force nationale. 

De plus, on aurait moins de chômage et par conséquent moins de misère. La police nationale ne peut pas assurer la sécurité de la population. Il nous faut une force. Les forces étrangères nous font autant de mal qu’on avait reproché aux militaires, même plus et ne nous ont pas fourni autant de services qu’aurait pu nous fournir la force nationale. De deux maux, il faut choisir le moindre. S’il est vrai que l’armée est un mal, il est un mal nécessaire, voire impératif.


D.- Les haïtiens devraient-ils rester indéfiniment sous la coupe de la communauté Internationale ?

SC.-Nous avons depuis un certains temps un pays sous la perfusion qui n’est pas une bonne, les ong ne doivent pas intervenir là où l’Etat doit intervenir, pourqu’Haiti prenne la route du développement durable, il lui faut se débarrasser des multitudes d’ong qui sont sur le terrain. 

Nous avons besoin d’organismes qui veulent s’impliquer dans le développement durable du pays pas de ceux qui nous procurent l’assistanat et qui s’évertuent à nous rendre tributaires.
(par exemple la question de l’eau est tellement vitale une quelconque ong ne doit pas s’en occuper indéfiniment, l’accompagnement oui par les techniques ect. )


D.- Votre vie est-elle une réussite, autrement dit, avez-vous réalisé le rêve de votre vie ?

SC.- Une réussite, je suis trop perfectionniste pour le dire et comment je pourrais oser dire ça, lorsque je vois tous mes amis éparpillés, aux USA, au Canada, en France ce qui me semble une vraie hémorragie pour le pays, former ses enfants pour plus tard servir les autres pays.


D.- Quelle est la question primordiale que nous ne vous avions pas posée, quelle en est la réponse et donnez-nous le mot de la fin ?


SC.- La commune où je suis né,( une belle et) un beau petit coin « DESDUNES » dans le département de l’Artibonite, une commune assez riche qui pouvait nourrir à elle seule plus de la moitié du pays en riz. Les paysans sont très laborieux, de vrais cultivateurs, d’excellents jardiniers (que l’Etat aurait dû mettre) un cadre légal. Malheureusement, ils ne sont pas encadrés et l’Etat n’a pas de grande vision pour ce coin de terre si fertile. « Mwen anvi pran yon plat diri Madan gougous ak poi nwa e legim lalo hmm » spécialité de Desdunes.


D.- CANAL+HAITI  vous remercie de votre support dans le cadre de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.

SC.- C’est moi qui vous remercie pour m’avoir donné l’occasion de participer à cette chronique. Je suis ouvert au débat et suis prêt à intervenir dans tout ce qui contribuera à la bonne marche du pays et au bien-être de mes concitoyens. Qu’Haïti renaisse ! Qu’elle vive et progresse ! Ensemble, rebâtissons-la.


Propos recueillis par Andy Limontas pour  « DIASPORAMA »/CANAL+HAITI


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Written on:mars 6, 2012

 Crédit: CANAL+HAÏTI

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